Julliard, 1995, 191 pages
« Sur le sang rouge de ce ciel, on avait étendu au matin la feuille d’or, on l’avait martelée, à petits coups de maillet bien nettement appliqués, on l’avait cabossée comme un chaudron qui luit dans l’âtre et qui rugit. Voici la gloire des premières heures, quand le brouillard qui a guetté toute la nuit sur la colline descend se réchauffer dans les jardins, dans les rues, sur les places. C’est le décor pour la journée toscane qui commence. Bientôt, l’air va vibrer au bleu, au bleu vif et franc, et souffler sur les braises. Ô Florence, Florence dont le ciel est couleur des chemises de pompiers ! »
« Pourquoi êtes-vous venu en Italie ? Pour chercher une femme, comme votre père en 1935, ou pour faire la quête ? On dit que votre pays est aux abois, les tentatives de coup d’État sont endémiques, le chômage touche plus de 80 % de la population active. Ne vaudrait-il pas mieux déclarer votre île en faillite et la vendre au plus offrant ? En accédant au trône d’Avanie, pensiez-vous devoir vous débattre au milieu de telles difficultés ? Qu’est-ce qui pousse un jeune homme moderne à accepter de si loudres responsabilités, et à jouer un rôle anachronique ? Le goût du sacrifice ? Le poids de la tradition ? La soif de pouvoir ? »
Un conte métaphysique où l’on verra comment, sous le regard impassible de la statue d’un prince indien mort en exil, Grégoire, roi d’Avanie, tenta de déjouer les plans du destin en faussant compagnie aux grands de ce monde.
C’est un vrai romancier. Il adore l’Italie, d’un amour savant et épanoui. Il connaît parfaitement Florence : il y promène ses personnages avec la même jubilation inquiète qui saisissait James dans ses nouvelles. Il prend plaisir à raconter et le plaisir est partagé par son lecteur. Parce qu’il a l’art de décrire une forêt, le mouvement du ciel, une silhouette dans la nuit, la lune se mirant à la surface de l’Arno, « lueur cornue montée sur le dos d’un taureau », le silence « dans lequel l’homme qui ne dort pas semble lui-même sculpté », mais aussi la haine et la vengeance, parce qu’il a des phrases que l’on n’oublie pas — « Nous avons la nostalgie du lendemain, du jour que nous ne vivrons pas. Nos souvenirs ne nous éclairent pas, mais sont une ombre qui nous enveloppe et où nous trébuchons» —, Thierry Laget montre qu’il sait exploiter les possibilités immenses qu’offre encore le roman narratif. « À l’imperfection de ce monde, il faut répondre par l’achèvement de nos rêves. » Quel meilleur programme pour un écrivain ?
René de Ceccatty,
Le Monde des Livres, 20 janvier 1995.
Thierry Laget trouve dans cette charmante histoire un prétexte pour moquer notre époque, ses mœurs, ses tics politiques et philosophiques. Écrit dans le langage brûlant des surréalistes, son conte voltairien fait sourire et rêver.
Jean Claude Le Covec,
Le Figaro magazine, 14 janvier 1995.